Chapitre XI : Betius, Charmutha : l’Acropole de Charmutha

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Article par article, tel un sphinx, Charmutha renaît de ses cendres. Cet antique port, célèbre par sa taille, étaient constitué de deux bassins et d’une immense lagune dans laquelle des milliers de bateaux pouvaient s’y mettre à l’abri. Il s’avère que la région de Charmutha avait aussi une Acropole digne de son port, située sur une colline plate, là où trois magnifiques temples surplombaient les navires qui passaient au large. Notre travail aujourd’hui est de restituer cette richesse architecturale mais surtout de proposer les coordonnées GPS de ces monuments disparus. Evidemment seule une campagne archéologique permettra ou pas de valider l’existence de cette Acropole avec ses trois temples.

 Chapitre XI : Betius, Chamutha : l’Acropole de Charmutha.

Aujourd’hui, la seule et unique référence à cette Acropole se trouve dans le récit de Diodore le Sicilien. Après avoir quitté Charmutha et navigué peu de temps vers le sud, le navigateur pouvait admirer trois magnifiques temples situés sur une colline plate : « … Le bras de mer est de là en avant rond et entouré de grands promontoire, au milieu duquel, en ce lieu, une petite colline oblongue en forme d’une table, sur laquelle il y a trois temples merveilleux et beaux, consacrés en l’honneur de quelques dieux inconnus aux grecs, et toutefois grandement vénérés par les habitants. …».

Dans un premier temps, nous pouvons supposer que ces trois temples aient survécu à la disparition du port en lui-même. Si c’était le cas, nous devrions alors retrouver cette Acropole sur les cartes de Ptolémée. Et sur celles-ci, « Badeo » s’avère être la ville idéale puisqu’elle était en même temps une capitale et une région. Au IIe siècle après JC, au sud du Betius, « Badeo regium » s’étendait le long de la Mer Rouge jusqu’aux eaux de l’Océan Indien. Sa capitale, d’après le géographe grec, était située à 70° de longitude et 20,25° de latitude.

Retrouver Badeo, cette ville religieuse et politique, nous permettra alors de localiser l’Acropole de Charmutha à condition de connaitre un point de référence qui soit parfaitement connu hier (sous Ptolémée) et aujourd’hui. Cette référence existe et s’avère être le Betius puisque les derniers restes de ce fleuve sont le wadi Fatima. A son embouchure, il y avait Thebe civitas (position Ptolémée ; 69,33° ; 21°) et aujourd’hui Djeddha (position GPS ; 21,66° ; 39,16°). Nous pouvons donc affirmer que Thebe représente l’ancienne ville de Djeddha. Ces deux villes seront alors notre référence pour calculer la position théorique de Badeo. Des coordonnées de Ptolémée, nous obtenons une information cruciale : la différence de latitude et longitude entre Thebe et Badeo qui font respectivement 0,75° et 0,66°. La position théorique se calcule alors en appliquant ce delta aux coordonnées de Djeddha, ce qui donne 20,83° de latitude et 39,82° de longitude.

En plus de notre calcul théorique, le témoignage assez précis de d’Anville rapporté par Pascal-François-Joseph Gossellin (référence n°59) nous apporte une indication supplémentaire : « Badeo paraît ne pas avoir été éloignée de Serraïn, qui lui a succédé, et qui était encore une ville forte dans le douzième siècle : maintenant elle est ruinée. D’Anville rapporte la position de Badeo au ras bad ou Abud, qui termine au midi l’anse de Giddah ». La figure XI.a présente la photo satellite au sud de Djeddha et de la Mecque (site internet coordonnes-gps.fr) avec notre position théorique (symbole rouge). Cette position est cohérente avec le témoignage du noble D’Anville puisqu’elles sont toutes les deux au sud de l’anse de Djeddha.

Figure XI.a : Photo satellite autour de notre position théorique

Figure XI.b : Agrandissement de la photo satellite autour de notre position théorique

La seconde figure XI.b présente un agrandissement de la photo satellite autour de notre position théorique (repère rouge) représentée par un symbole rouge. Il devient intéressant de noter les similitudes entre le paysage actuel et la description faite par Diodore (voir figure XI.c) :

1.       Au sud, le bras de mer s’avérait être arrondi : « … le bras de mer est de là en avant rond… ». Cette courbure s’explique facilement par la présence d’un rocher situé entre la mer et le bras de mer (repère rouge).

2.       Il existait deux promontoires avant et après avoir contourné le rocher : « Le bras de mer est de là en avant rond et entouré de grands promontoire ». Sur la carte d’aujourd’hui, nous pouvons observer la présence de ces promontoires bien visibles (représentés par un repère noire).

3.       Les temples étaient sur une colline plate et allongée : « une petite colline oblongue en forme d’une table ». La topographie rapporte une telle formation géologique nommée Harrat ad Damm (voir figure XI.d) C’est une grande coulée de lave constituée de basalte alcalin du Miocène (référence n°60). Depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, l’érosion a dégradé le sol aux alentours et a laissé apparaître cette roche basaltique, ce qui explique la présence d’une colline plate et allongée.

Figure XI.c : Topographie de la zone avec les remarques de Diodore le Sicilien

Figure XI.d : Topographie autour d’Harrat ad Damm

Ainsi, malgré le peu d’indice que nous puissions avoir (ceux de Diodore, de Ptolémée et de d’Anville), nous pouvons affirmer que l’Acropole était au sud de l’anse de Djeddha. Nous pouvons aussi affirmer que Harat at Damm était cette surprenante colline plate et allongée rapportée par Diodore. Avec cette localisation supposée et assez précise, il suffit d’exploiter les photos satellites mises à notre disposition pour retrouver les traces perceptibles de nos trois anciens temples disparus. Et cette étude nous permet de proposer trois sites :

1 – Premier temple circulaire (figure XI.e) : position GPS : (20.909 ; 39.784°)

Les tracés au sol dévoilent deux cercles concentriques. La couronne externe de ce temple pourrait être un couloir qui faisait tout le tour d’une pièce centrale.

Figure XI.e : Temple circulaire (photo et représentation schématique)

2 – Deuxième temple rectangulaire (figure XI.f) : position GPS (30.906° ; 39.784°)

Ce deuxième temple était constitué d’une grande salle rectangulaire avec une tour au nord-ouest qui devait faire office d’entrée. Au sud, une seconde salle rectangulaire ouverte juxtaposait la première. A cette époque, ce temple devait ressembler à un cube et pouvait être l’antique Ka’aba puisque l’étymologie de ce nom signifie « cube » en arabe et en grec.

Figure XI.f : Temple cubique

3 – Dernier temple supposé (figure XI.g) : position GPS (20.909° ; 39.783°)

Les tracés de ce troisième temple sont trop flous pour en proposer une description.

Figure XI.g : Troisième temple sans forme précise

Avec notre imagination sans limite, nous pourrions faire revivre quelques rites de cette Acropole. Le premier d’entre eux était en l’honneur du dieu Soleil et consistait à faire le tour de 360 petites statuettes, comme les 360 jours de l’année (les 5 derniers jours étant ceux de la semaine Epagomène dédiée aux dieux équivalents Osiris, Horus, Seth, Isis et Nephtys). Le couloir externe du temple circulaire pouvait servir à ce type de rituel solaire. Si le premier temple était à la gloire du dieu Soleil, le second en cubique ou Ka’aba devait être dédié à l’astre lunaire avec à l’intérieur deux statues, celles d’un vieillard et d’un jeune qui représentent le début et la fin du cycle lunaire (voir le dieu Sîn/Nanna, référence n°61). Quant au dernier temple, il devait être à la gloire de la déesse Vénus vénérée sous la forme d’une colombe en bois mais aussi d’une pierre ovale. A la suite du changement climatique, l’immense port de Charmutha disparut sous le sable puis l’Acropole de Badeo s’effondra soit sous les assauts militaires de ses voisins, soit par abandon de ses habitants (suite aux famines et aux disettes). Malgré tous ses malheurs, cette Acropole subsista jusqu’au XIIème siècle en tant que bastion puis s’effaçât de nos mémoires. Quant aux objets sacrés, les habitants ont dû en transférer quelques-uns dans un nouveau temple, plus à l’intérieur, autour d’une oasis. Logiquement, le choix fût la Mecque car ce lieu répondait aux nouveaux besoins des habitants face aux nouveaux défis climatiques et en particulier face à la désertification de la Péninsule Arabique. Le principal besoin de la population était alors un accès à l’eau potable. Ce transfert religieux de Badeo vers la Mecque doit être assez récent puisque Diodore le Sicilien ne mentionnait pas de temple lors de son périple autour d’une magnifique montagne près de Charmutha et donc près de la Mecque. Bref cette colline sacrée a une histoire passée qui mérite toute notre attention.

Figure XI.h : Région de Djeddha avec le port de Charmutha et l’Acropole de Badeo

En conclusion, la région de Badeo était célèbre non seulement pour son port Charmutha (schématisé par un bateau rouge) mais aussi pour sa colline sacrée. Cette Acropole, à l’image de la puissance économique de ce pays, était au sud de l’anse de Djeddha (à 20,83° de latitude et 39,82° de longitude), au sud de l’immense lagune, le long du chenal qui rejoignait la mer Rouge (figure XI.h). Sur cette colline plate et allongée (schématisée par une maison rouge), trois temples disparus entre-temps surplombaient les navires qui passaient au large. Avec toutes ces remarques cohérentes entre elles, la probabilité est élevée pour que Harat at Damm puisse être l’une des plus importantes Acropoles de la Mer Rouge. Seule une campagne archéologique permettra ou pas de confirmer cette analyse. Aujourd’hui la quête de Charmutha est presque finie. Il nous reste une dernière question : que pouvait représenter ce pays avec l’immense port de Charmutha et l’Acropole de Badeo pour les pays riverains, et surtout pour les égyptiens ? Ce royaume si célèbre pouvait-il être ignoré par les pharaons ? Evidemment la réponse est négative et les derniers chapitres apporteront une réflexion inédite sur cette région et son influence au-delà de ses terres d’origine.

Bibliographie/Bibliography : Ci-joint la bibliographie complète

59 – « Recherches sur la géographie systématique et positive des anciens », Pascal-François Gosselin :

60 – « Geological Survey Professional Paper, Numéro 560,Partie 1 », Geological Survey (U.S.), page A161.

61 – « Dieu Sîn », Wikipedia

French version : https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%AEn

English version : https://en.wikipedia.org/wiki/Sin_(mythology)